Histoire de Keus

Durant l'épisode, devrais-je dire, la blague du confinement Covid, n'ayant pas le droit d'ouvrir la boutique, Keus a décidé de raconter son histoire, son parcours...  Découvrez ici ces épisodes :

Episode 1 

 

Introduction

 

Comme je n’ai pas de tattoo à montrer, en parallèle des toiles que je posterai ces prochains jours, je vais parler de ma gueule, et retracer pas à pas 15 ans de Tattoo, les gens qui m’ont marqué et aidé, les galères, les anecdotes... 

 

Tout commence courant 2005, après des mois à le travailler, mon Père finit par me donner son feu vert pour me faire tatouer, il savait que passionné par le Tattoo comme je l’était depuis gamin, si il ne m’accompagne pas chez un pro, je le ferais moi même, ça sera un Joker sur le mollet, j’ai 15 ans, Olivier n’est pas vraiment chaud vu que je n’ai pas les 16ans réglementaires, mais le projet le branche, et le courant passe bien.

 

Cette première séance ne se passe pas pour le mieux, je fais un méchant malaise parce que j’y suis allé à jeun après avoir fumé un joint censé m’anesthésier… Qu’est ce qu’on peut être con à cet âge

Quoi qu’il en soit je découvre qu’on peux gagner sa vie en tatouant, c’est con mais je n’avais jamais pensé auparavant que c’était un vrai métier, et que c’était envisageable d’être de l’autre coté de l’aiguille.

 

Dessinant depuis gamin, je me dis que c’est à ma portée, je décide d’abandonner les cours, de toute manière ça ne m’est plus utile, en train de me faire à l’idée que je ne pourrais jamais être Pilote de Chasse à cause de ma myopie, rien d’autre n’a d’intérêt à mes yeux, donc c’est décidé : je serais tatoueur. 

Je passe donc mes journées de Lycéen à dessiner, ma situation familiale étant assez chaotique, je suis plus ou moins livré à moi même, et me concentre à 100 % sur le dessin. 

Je retourne voir mon tatoueur pour lui montrer mes créations et lui expliquer mon projet en lui demandant de me former, il me réponds simplement, « dessine 5 heures par jour, et on reparle dans 4 ans ». 

 

Ok, on fait ça, comme écrit sur mes bulletins, en cours, j’occupe une chaise, point, je ne fais que dessiner, et bascule donc sur un CAP Cuisine, mon père ayant raison de me secouer pour que je trouve un travail, je deviens cuisinier, me disant que j’aurais du boulot facilement, je ne suis pas souvent allé au CFA, et je n’ai même pas été passé mon CAP, mais je travaille, gravis les échelons jusqu’à devenir second.   

 

Les années qui suivent, je passe la quasi intégralité de mon temps libre à dessiner, ça ne laisse plus beaucoup de temps pour dormir, mais ça progresse doucement.  

je commence à tatouer des amis dans ma chambre, et quelques teufeurs pas trop regardant sur la qualité, les mecs, je suis autant reconnaissant que désolé pour les bousilles que je vous ai faites… 

Vince, Louis, Chriss, Axel… Encore un grand Merci ! 

 

Épisode 2

 

La quête du Graal

 

Quand t’as 17 ans, que tu sèche les cours pour prendre le train depuis ta campagne et sillonner les shops parisiens à la recherche du Graal : un apprentissage, l’accueil d’un shop à un autre est vraiment variable. 

 

Déjà que j’ai jamais vraiment été à l’aise en société, rentrer dans un shop avec mon book de dessins minable était une putain d’épreuve pour moi.

 

-D’un coté il y a des tatoueurs qui s’en foutent, il n’ont pas le temps, d’autres qui donnent des conseils vite fait, d’autres qui sont géniaux, mais il y a aussi de véritables connards…

 

Cela fait plusieurs heures que j’écume les shops de Paris, avant de rentrer je décide de repasser vers  B*******, la bas il y a un gros shop, c’est l’occasion d’aller les voir.

Je rentre donc dans le shop, expliquant ma démarche, je cherche un apprentissage, je suis motivé à mort blablabla…

On me dit gentiment de descendre à la salle d’attente, et que quand un des tatoueurs ferait une pause, on viendrait jeter un œil à ça. 

 

Donc je suis sage, je m’installe sur le canapé, mon book sur les genoux, et j’attends patiemment de pouvoir défendre ma cause, puis le temps passe, 1h, 1h30, je vois les clients s’enchaîner, ça rigole pas mal dans la salle, en me regardant du coin de l’œil, je suis mal a l’aise, mais je vais pas partir maintenant, puis au bout de 2h le patron arrive,  et me demande ce que je fou la, lui expliquant la situation il va demander ce qu’il en est à ses tatoueurs. 

Puis il revient, et m’explique : en fait ces connards étaient en train de parier sur combien de temps je resterai là à poireauter comme un con. 

 

Le patron me propose de le rejoindre le lendemain dans son autre boutique, mais passablement énervé et ayant plusieurs heures de train pour venir j’ai refusé. 

 

Rictus quelques années ensuite quand il m’ajoute sur Facebook et encense mon travail.  

 

 

-Une autre fois lors d’une journée de recherche similaire, dans un shop de Bastille, la fille de l’accueil me dit de revenir dans quelques heures pour que je montre mes books au patron, ça pourrait l’intéresser, j’ai rien à faire, je vais casser les couilles aux vendeurs des magasins de musique pour tuer le temps en essayant des guitares, en repartant sur la route du shop je me fais alpaguer pour un sondage, je dis au mec que je réponds si il me file une clope, et je me retrouve à répondre à un sondage sur les déodorants… Arrivé au shop, le patron est déjà reparti, merde, il faut aller dans son autre shop, rue St Denis, Ok, go, il commence a faire sombre, je remonte la rue St Denis, que je ne connaissais pas.  Et oui c’est la rue des putes en fait !  

Je remonte péniblement toute la rue en esquivant les proxs qui viennent m’accoster tous les 3 mètres, arrivé là bas le boss est intéressé mais il a déjà quelqu’un… Dommage.

 

 

-Mais il y a aussi des tout petits shops, où tu rencontres des mecs en or, et la je citerai Chris, de Mouftamorphoz, rue Mouffetard ;

Parce que c’était la première fois que quelqu’un regardait avec autant d’attention chacun de mes croquis, qu’un artiste passait du temps à me conseiller, à pointer mes erreurs, à m’expliquer comment les éviter...

Grâce à ses conseils j’ai vraiment progressé, autant en terme de tattoo qu’en dessin, jamais rien lâcher ! Merci mec

 

Cette quête dure plusieurs années, entre temps je quitte les cours et je bosse en cuisine, le destin fait que mon chef de cuisine est un graffeur avec un putain de talent : Akme, à l’époque j’essaye de m’orienter entre le Old School et le New School, donc autant dire que cette rencontre m’influence pas mal, je rencontre des mecs qui me scotchent, je progresse un peu en graff, mais la faut l’avouer, c’est clairement pas mon truc ! 

 

Je continue ma routine, travail en coupure, 8-15h / 18-22h ça me laisse du temps l’aprèm pour dessiner, et quelques heures la nuit… Comme on disait on est pas bien payés mais qu’est ce qu’on rigole ! 

On tague le camion des livreurs avec de la bombe à graisse, j’ai des inspirations pour des textures bio-organique en regardant du céleri-rave, on reste dans l’artistique:)

 

Je continue à tatouer à coté, je ne sais pas vraiment si c’était une bonne chose, vu les croûtes que j’ai pu faire, (encore désolé) mais je comprends peu à peu le fonctionnement des bécanes, faut dire qu’a l’époque, les machines à bobine, ça se règle, oui mais comment ? 

 

Je traîne chez Denis Tattoo à Versailles, Denis me donne des conseil sur le dessin, le réglages des machines... des tatoueurs de talent bossent la bas, notamment Alix, et la je prends une claque phénoménale quant à son talent, sachant qu’elle n’est qu’« apprentie » ! 

 

Grosse remise en question, peut-être que j’y arriverai jamais en fait, le travail c’est bien, mais c’est sans doute le talent qu’il me manque, quand je me plains de la situation, mon père me dit : Il y a une Fac de médecine au bout de la rue, t’avais qu’a y aller, j’ai du l’envoyer bouler par fierté mais c’est clair qu’il avait raison, ça aurait été certainement plus simple. 

 

Je claque mes payes pour me faire tatouer, histoire de pouvoir passer du temps à les observer bosser, c’est douloureux mais super instructif pour moi, je gratte des conseils au fur et à mesure. 

 

Puis un jour, alors que ma copine de l’époque veut se faire percer la langue, ayant toujours mes books avec moi, j’en profite pour les montrer au tatoueur et lui demander ce qu’il en pense, et la les mecs se regardent et me disent, attends 5 minutes, on va discuter, et ils partent dans la salle du fond...

 

Episode 3

 

Enfin !

(Photos : Autocharcutage de cuisse / Dessin de l’époque à l’Ecole ) 

 

Pour remettre dans le contexte, ça commence à faire quelques années que je trime en cuisine, après une saison à Lacanau à en chier 66h semaine, j’ai des thunes de coté, j’ai vendu ma mob pour m’acheter du matos un peu plus correct, à l’époque c’est pas évident de trouver du matériel, il y a Bruno (Jet France) qui vends des machines, mais la communauté est unanime, c’est de la merde. Les fournisseurs ne vendent qu’aux pros, mais à la vue de ma détermination, l’un d’eux comprends que je veux vraiment me professionnaliser et accepte de me fournir du matériel de qualité.

 

Je fais un bref passage dans un Lycée Graphique sur Paris, j’ai négocié avec les parents pour faire un CAP dessinateur d’exécution en communication graphique (qui se révèle en fait être un CAP pour devenir le larbin d’un publicitaire), je paye une partie de l’école avec ce qu’il me reste, et c’est des « vraies » études donc ça passe, j’ai 1h30 de train pour y aller, je ferais l’effort.

 

Donc mis à part les cours de croquis et d’infographie, le reste j’en ai un peu rien à foutre, mon seul but est de progresser en dessin, à la place des cours de Français/Communication/Mise en page, soit je suis en balade à la quête d’un apprentissage, soit je fait du skate sous Métro Jaurès en attendant le cours de Croquis, cette prof était exceptionnelle : elle déchirait ton dessin quand tu faisait de la merde, c’était assez formateur ! 

Ça durera 6 mois et quelques, conseil de discipline, Brice, nous allons délibérer :

Je réponds que c’est pas la peine, je perds mon temps, ma prof principale est une conne, c’est aussi ma 2ème prof de « dessin » mais honnêtement je trouve qu’elle vaut rien, donc je lui dit que je vais tenter de me trouver un prof de dessin qui a quelque chose à m’apprendre… J’étais quand même un petit con XD

 

Anecdote au passage, mon pote Louis, qui vient me chercher à la sortie du bahut, habillé avec une chemise à Jabot, façon Casanova, en tenant la poupée gonflable qu’on lui à offert à son anniv, « Brigite » et hurlant mon nom. (Si tu veux voir une photo de Brigitte et moi, dis le en commentaire ) 

 

Retour à ma routine, cuisine, intérim, cuisine en caserne militaire, c’est sympa les cuisines de Satory, tu vois par la fenêtre le Gign qui joue avec des grenades... 

Et un boulot où je fais 7h-23h sans coupure, je tiens quelques mois mais physiquement je tiens plus, le bon point c’est qu’avec toutes ces heures sups j’ai des thunes de coté.

 

Et la je trouve LA planque : un boulot de cuisine en collectivité, 6h-15h ! Vacances scolaires, et 13ème mois ( Je ne savait même pas ce que c’était qu’un 13ème mois)

Putain mais c’est parfait, je vais pouvoir dessiner à mort et tatouer en parallèle, je signe un CDI.

 

C’est maintenant qu’on continue le chapitre précédent, je dois avoir 19 ans, je viens de signer le CDI qui me mets à l’abri, tout en me permettant de pousser dans le Tattoo, et la sur un hasard en montrant mes books sans trop y croire, dans un petit shop de Sevran dans le 93, Christophe me dit que je peux les rejoindre, j’ai réfléchit intensément pendant quelques centièmes de secondes et j’ai planté mon CDI.

 

Art Corps 93 c’est un petit shop avec une histoire étonnante, Christophe était boucher, son boulot le gonflait, il fait la connaissance de Yul, tatoueur, et ils se disent en gros : On à qu’à faire un shop à la place de la boucherie, Yul s’occupe du Tattoo, et Christophe fait le Piercing, le pari est risqué mais ça marche !

Des petites vieilles continuent à rentrer pour demander du jambon à Christophe, mais à la place du billot, c’est un chauve balaise qui tatoue en écoutant du zouk-love, véridique. 

 

Yul est beaucoup dans le style Japonais, et m’apprends comment faire une vrai ligne, un ombrage… 

Je découvre une manière de tatouer complètement différente de celle que j’avais, mais comme il me dit la manière n’est pas universelle, il faut trouver celle qui me convient, j’apprends tout ce que je peux de lui, et à coté je travaille le dessin en l’aidant dans la création des motifs pour les clients, ça me permet d’avoir un billet, j’ai la possibilité d’être hébergé à Montreuil, mais le shop reste à 2h de chez moi en voiture, donc avec ce que j’ai de coté je pourrais pas forcément tenir longtemps.

 

Je me charcute les cuisses, je bosse sur quelques clients, et regarde Yul à l’œuvre. 

 

En parallèle Christophe me briefe sur l’hygiène, je m’occupe des stérilisations, nettoyer le matériel etc...

J’apprends beaucoup sur la manière de gérer un shop, il y a une super ambiance, je progresse en dessin et en Tattoo, c’est bien cool, c’est ce que je voulais.

 

Un matin en allant chercher les cafés dans le bar au bout de la rue, au moment de traverser, les cafés sur un plateau, un mec manque de m’écraser en déboulant comme un dingue dans le virage avec sa bagnole, Christophe à le réflexe, il balance un bon coup de pied dans la portière du type, qui sarrette au frein à main, sort couteau à la main en nous traitant de racailles… Ah Sevran, autant j’étais refais d’être enfin dans un shop de Tattoo, mais j’étais vraiment pas Fan de cette ville faut l’avouer !

 

C’était la grand époque des Tribals, mais clairement c’était pas la came de Yul, et la politique était stricte, aucun tribal dans ce shop ! Les clients qui insistaient était appelés des « crêpes au sucre » en clin d’œil au Bronzés : 

- Vous avez des aiguilles ? Vous avez de l’encre ? Ben faites moi un Tribal !

 

J’apprends le pouvoir de persuasion par ces deux la, qui arrivent à faire changer d’avis un mec venant à la base pour un Tribal, pour qu’il reparte avec du Japonais, les clients sont ravis, et Yul fait ce dans quoi il excelle, du génie ! 

 

Les mois passent, je commence à être à cours de thunes et me prépare à décoller, mon niveau est assez juste pour bosser et je ne pense pas qu’il y aurai eu assez de clientèle pour deux,  Christophe et Yul, me disent qu’il est temps de voler de mes propres ailes, 

retour donc à la cuisine, en cherchant en parallèle une place de Tatoueur.

 

Ça avance doucement, mais ça avance !  

 

 

Episode 4

 

Rouslan et le Sud 

 

En partant de chez Art Corps, Yul me laisse une machine qu’il n’utilise pas, une Micky Bee, mais je ne suis pas à l’aise avec. Plutôt que de la laisser moisir, je la mets en vente sur Tattoorama. À l’époque, c’était LE Forum de tattoo. Un type de Belgique est intéressé, mais il n’y a pas de chéquier là-bas, et vu qu’au téléphone, la conversation dure pas loin de 2 heures, c’est que le courant passe bien. 

Je lui propose donc de lui amener jusqu’à Kortrijk, coté Flamand, il me fera un tattoo pour le déplacement...

 

Après s’être fait recalés d’un resto parce que « y a plus de frites », une Fricadelle et une Jupiler dans un friterie à 23h, on attaque la reprise d’une croûte que je m’étais faite sur la cuisse. 

 

C’est comme ça que je rencontre un mec en Or – qui est aussi un vieux con aigri –, qui me guidera et me conseillera à fond dans le Tattoo et le Dessin. Sous ses airs de barge, c’est un vrai philosophe, un joueur d’échecs monstrueux, honnêtement je pourrais dire que c’est le mec le plus intelligent et cultivé que je connaisse (Te branle pas en lisant ça Rouslan).  

 

Pour l’anecdote il m’a déjà battu aux échecs pendant qu’il tatouait, et sans regarder l’échiquier, même si mon niveau de l’époque était minable, ça cause.

 

Rouslan a des horaires assez spéciaux. Je suis allé travailler dans sa boutique plusieurs fois, c’est un réel rythme à prendre. Les séances tattoo s'y déroulent la plupart du temps entre 15h et 5h du matin, tout ça en chantant du Zouk Machine. Comme quoi le Zouk revient assez souvent dans ma vie de Tatoueur, même si pour le coup, Rouslan en mettait juste pour me faire chier. 

 

« Nétwayé, baléyé, astiké...Kaz la toujou penpan ! »

 

Mais comme vous pouvez le voir sur la photo, on est super bien accueilli en Belgique !

 

Plusieurs années plus tard, quand il m’a piqué sur la tempe, je m’étais endormi sur le canapé quelques minutes avant d’attaquer. Il était 6h du matin…

 

Rouslan a été un vrai mentor pour moi, autant dans le tattoo que dans la vie, il y a quelques semaines, il m’envoyait une photo d’un des portraits que j’ai réalisé, me félicitant en me disant : « Quand je vois ça je repense à quelques années auparavant quand tu me demandais : "Rouslan, comment tu fais les portraits ?" »

 

Sur la photo,Rouslan à gauche, et à ma droite c’est Dénis (Disa Disney), tatoueur de Sibérie, un mec au talent monstrueux qui tatoue exclusivement à main levée. Rencontré chez Rouslan, la dernière fois qu’il m’a piqué, on s’était fait une bouffe à la fin de la séance, avec Vodka et tout ce qui va bien sur les coups d’1h du mat. Une fois le ventre plein et les idées troubles, j’ai apprit qu’en fait c’était reparti pour plusieurs heures… Dur.

 

Bref, reprenons l’histoire : 

 

Le temps passe, je retrouve un CDI en cuisine, je progresse dans mon coin, et on me propose une place dans le Sud. J’ai 21 ans, je plaque le CDI et je tente ma chance.

 

Je profite de mon chômage pour ouvrir mon statut d’auto-entrepreneur et être indépendant dans la boutique. Je ne m’attarderais pas sur le sujet, ça avait merveilleusement bien commencé, mais ça c’est mal terminé, c’est le destin.

 

Je suis à 600km de chez moi, je quitte le shop où j’étais, j’aménage une salle chez moi pour bosser un peu le temps de trouver autre chose. La vente de ma moto me paiera le loyer quelques temps, et j’estime que les boites de Raviolis ont un apport nutritionnel correct, pour un prix modeste : elles constitueront la majorité de mon alimentation, avec des pâtes. C’est pour ça que j’ai fini par détester les pâtes…

 

Je traîne un peu dans le milieu Biker. Un club local me permet de venir tatouer dans leur local pendant les rassemblements. C’est sympa et ça m’amène une clientèle dans mon micro-shop privé. Ça surprend quand les mecs se mettent à l’aise en posant leur calibre sur le bureau, mais je le vis bien : le Tattoo, c’est Rock&Roll après tout !

 

Le reste de mon alimentation, c’est du McDo, ça coûte une blinde, mais il y a une petite blonde qui bosse au Drive... Cette dépense me permet d’échanger quelques mots avec elle… C’est plutôt un bon investissement parce qu’aujourd’hui, ça fait plus de 10 ans qu’on est ensemble.

 

Le Micro Shop chez moi ça dépanne, mais c’est pas un plan d’avenir. Il faut que je trouve un vrai shop où bosser, et des mecs qui me feront évoluer. Donc la recherche continue.

Episode 5

 

Le vrai commencement

 

Alors que je poursuis ma routine dans mon micro shop, gagnant tout juste de quoi vivre, je reçois un appel d’un certain Franck, il est patron de 2 boutiques qui s’appellent toutes les deux Atelier 8, une à Montluçon et l'autre à Vichy. J’avais déjà rencontré Franck une première fois, le bonhomme était assez taquin et avec ma répartie légendaire j’en avais pris plein la gueule ^^

 

Mais ce coup-ci, Franck est en galère. Son tatoueur l’a planté. Dans ses boutiques, ce sont essentiellement des Guests, des tatoueurs qui viennent une semaine, de façon régulière. La semaine suivante, il a une semaine bookée, mais aucun tatoueur ; je saute sur l’occasion : « bien sûr que je suis chaud ! »

 

À Vichy, je tombe sur une super équipe, j’avais déjà fait quelques Guest par-ci par-là, mais là, c’est du sérieux, on part sur un truc très intéressant : je viens une semaine par mois. C’est à 4h de chez moi, parfait.

 

C’est Tony qui gère le shop, on s’entend super bien, quand j’arrive, ma semaine est bookée et je travaille les dessins pendant mes soirées. J’apprends à travailler vite, beaucoup de petites pièces, du tatouage « alimentaire », en parallèle des tatoueurs avec un niveau bien au-dessus du mien s’occupent des grosses pièces ; moi je fais le reste. Ça me convient. 

 

Pendant mes semaines, pour économiser un max, je réside soit dans un foyer jeune travailleurs, soit dans un hôtel dont j’ai oublié le nom, qui est l’hôtel le plus pourri que j’ai vu : la douche est une cabine au bout du lit, une micro cuisine à coté, du graillon collé sur les murs avec des mouches fossilisées, la tapisserie qui se décolle laisse apparaître 5 couches en dessous, mais il y a le wifi, ce n’est pas cher et c'est à deux pas du shop. Oui ! je dors dans un hôtel de passe.

 

Avec Tony, on rigole bien, je crois que le meilleur tattoo que j’ai fait là-bas, c'est à deux potes qui voulaient chacun une cacahuète sur le cul !

 

Tony avait un chouette jeu avec un de ses potes, se renvoyer les clients les plus louches, quand un mec bizarre venait se faire percer la bite et qu’il sentait que ça puait, Tony lui conseillait d’aller voir un de ses potes dans une boutique soit disant spécialisée dans ce genre de trucs, en lui disant de bien préciser qu’il venait de sa part ^^ 

 

Un mec d’Auxerre me contacte, un certain Jérémy, il a vu mon boulot et ça pourrait lui convenir, il a besoin d’un tatoueur pour venir bosser occasionnellement. Ça fait 6h de route, mais son shop a l’air cool, au téléphone le feeling passe bien, je suis chaud !

Episode 6

 

Presque Dernier chapitre (Parce que c’est quand même long ce bordel)

 

Donc comme je disais je reçoit un appel d’un certain Jeremy, qui cherche un autre tatoueur pour sa boutique, à l’époque Paradise Body Custom, ça fait une trotte, 6h de route, mais c’est cool. 

Je suis obligé de mettre une photo de ma caisse de l’époque, ça mets dans l’ambiance !

 

Un autre tatoueur est sur place , Mope, mais pour ma première là bas il ne sera pas là, 

Toujours dans l’idée de faire au moins cher, Jerem m’a trouvé un plan pour dormir : la Maison des Randonneurs, à deux pas du shop, nikel, ce que je ne savais pas, c’est que ce n’est pas un hôtel, mais juste un point de chute pour les randonneurs, donc pour ma première nuit avant d’attaquer la bas, je dors avec mon cuir en guise de couette, dans un truc collectif et je suis réveillé à 5h de mat’ par les randonneurs qui partent, parfait pour être frais !

 

Ça se passe nickel, je fais la connaissance de ce fameux Mope, c’est marrant, dans le sud une Mope c’est une serpillière. J’en profite bien pour le chambrer.

 

Donc top ambiance au shop, au final je squatte régulièrement chez Mope pendant mes guests, on fait la paire, c’est super cool de bosser avec un autre tatoueur, même si on ne fait absolument pas la même chose, on se pousse chacun vers le haut, partageant les techniques, bonnes ou mauvaises…

 

Je finis par me rappeler que plusieurs années avant, quand je recherchais un apprentissage, j’avais déjà eu Jerem au tel, et ça avait faillit se faire quand Eric (Flogny) bossait encore chez Paradise et cherchait un apprenti, mais c’est un certain Sylvain qui avait eu la place. (Une pensée pour toi mec).

 

Je suis partagé entre Vichy/Auxerre et ma ville dans le sud, mon boulot plaît pas mal sur place, donc quand Jerem me propose de venir à plein temps, je n’ai pas hésité longtemps, et je n’ai pas vraiment laissé le choix à Aurélie… Qui quittera son sud Natal pour me suivre, si c’est pas de l’amour ! Merci encore mon Ange ! 

 

Avec Mope, on fou la misère à Jerem, on voue tous les deux un culte à Carlos, et on a un super jeu, 

quand Jerem est en discussion sérieuse avec un client, on mets « Big Bisous » à fond, une jour ça le mets vraiment en pétard, il claque la porte de notre salle, je dis à Mope, attends baisse deux secondes, je dégonde la porte, la il remets à fond « BIG BISOUUUUUUUS » Jerem se retourne pour claquer la porte, ah ben non, il y a plus de porte ! 

 

C’est donc comme ça qu’après avoir sillonné la France dans tous les sens, (des guests il y en a eu plein d’autres, j’essaye de condenser) je finis à Auxerre. 

 

Le temps passe, Mope finit par se barrer, Jerem revends le shop, je suis pas trop chaud pour racheter, c’est mon pote Chriss qui reprends l’affaire, mais après quelques temps il est temps de monter la mienne.

 

 L’appart au dessus du mien est libre, c’est l’occaz de monter un shop privé.